Les Echos – Opinion – Année de diète pour les DSI
Les Echos - Opinion - Année de diète pour les DSI
Avec la crise de la Covid-19, le budget des directions des systèmes d’information fond comme neige au soleil, écrit Stéphane Hascoët, le directeur général de Jiliti. Quelques pistes pour réaliser des économies.
Par Stéphane Hascoët (directeur général de Jiliti)
Publié le 25 janv. 2021
Pour de nombreux DSI, 2021 restera sans doute comme une année à marquer d’une pierre noire. Prises à la gorge par la situation sanitaire et la chute de leur chiffre d’affaires, les directions générales vont tailler dans de nombreux budgets en 2021, notamment les budgets informatiques. Une récente étude du CMIT et du club XVDSI a montré que le budget 2021 de la DSI va baisser de 5 à 10% pour 31 % des DSI interrogés, de 10 à 20 % pour 42 % d’entre-deux et même de 20 à 30 % pour 8 % des moins chanceux. C’est une baisse des budgets sans précédent qu’ils vont devoir négocier tout au long de l’année 2021.
Ceux-ci découvrent le budget dont ils disposeront pour l’année 2021 et cherchent des solutions afin de faire face à des contraintes budgétaires parfois énormes. L’exercice sera d’autant plus difficile pour eux que la part du budget consacrée au «run», c’est-à-dire au fonctionnement de l’IT, est bien souvent supérieure aux budgets alloués aux nouveaux projets qui peuvent éventuellement être repoussés à plus tard. Certains projets de transformation digitale, notamment ceux liés à l’intelligence artificielle ne seront pas nécessairement gelés car les directions générales ont bien compris leur importance pour le futur même de leur entreprise. Cette situation unique a poussé de nombreux DSI à se tourner vers des solutions externes dès le début de la crise sanitaire.
Massification des contrats de maintenance
Parmi les quelques leviers que peut actionner le DSI pour tailler dans ses budgets, la massification de ses contrats de maintenance est un axe majeur. Les demandes pour ce type de prestation ont connu une brusque accélération depuis que les DSI ont pris connaissance de leur budget 2021. La raison de cet intérêt est simple : un DSI peut attendre une réduction de l’ordre de 10 % à 20 % sur les coûts de maintenance IT, parfois -30 % dans certaines circonstances exceptionnelles. Les gains financiers sont extrêmement significatifs sur des factures de l’ordre de 10% à 30% par an et cette approche va permettre de répondre à la demande la plus pressante en ce début d’année 2021 : comment boucler mon budget.
Une deuxième problématique qui va sans doute émerger à partir du deuxième trimestre 2021 et qui va aller crescendo jusqu’à la fin de l’année prochaine, c’est la gestion de la dette technique. Les budgets des DSI sont généralement validés en janvier/février et lors du mois de mars, les DSI décident sur quels projets ils vont investir le reste de l’année; or le couperet du Covid-19 est tombé en mars 2020 et il y a eu une très forte réduction des investissements en 2020. La dette technique s’est donc accrue en 2020. Tous les projets de renouvellement de serveurs, d’équipements réseaux et de baies de stockage ont été arrêtés. A partir de mi2021, les DSI vont se retrouver avec des matériels qui sont en attente de renouvellement depuis 18 mois, des équipements en fin de vie mais sans budget de remplacement. C’est le constat que nous avons fait depuis quelques mois et que font aussi les distributeurs et les intégrateurs.
Ce coup de frein brutal sur les achats pose le problème d’obsolescence des équipements qui arrivent en fin de vie et tous les acteurs du secteur vont devoir innover et accompagner les entreprises avec des solutions adaptées du point de vue économique, avec des offres d’infrastructures liées à un financement pour faire passer un renouvellement de matériel en Opex et non plus en investissement grâce à des forfaits mensuels. Les déploiements d’infrastructures cloud privées ont été fréquemment rendus possibles grâce à de tels financements et l’entreprise paye en fonction de l’usage de son infrastructure. Ces formules devraient connaître un net regain d’intérêt tout au long de l’année 2021. Elles permettront aux entreprises d’épargner leur trésorerie tout en faisant face aux problèmes d’obsolescence qui vont s’intensifier suite au report des projets de renouvellement des équipements ces derniers mois.
Sécurisation des données
Une troisième problématique à laquelle chaque DSI devra faire face en 2021, c’est la sécurisation des données. Nous avons eu une recrudescence de clients qui ont souhaité mettre en place des PRA (Plan de Reprise d’Activité) et des solutions afin de sécuriser leurs données. La vague d’attaques qui a frappé les entreprises tout au long de l’année 2020 notamment par ransomware n’est bien évidemment pas étrangère à cela et la pression sur les DSI est très forte. En 2021, les projets de ce type vont se multiplier car l’actualité a bien montré que nul n’est à l’abri d’une attaque et un PRA est considéré comme le dernier recours lorsque toutes les solutions de cybersécurité ont échoué.
Cette gestion du risque est évidemment citée par tous les analystes dans leurs prévisions pour 2021. Il est une autre que je partage avec lDC notamment, c’est le souci de garder le contrôle sur une informatique où se mêlent de plus en plus applications legacy, applications Saas et infrastructure Cloud privée et publics. L’approche Cloud hybride est souvent perçue comme une perte de contrôle de la part des DSI. Les architectures IT sont de plus en plus complexes et nécessitent des compétences de plus en plus pointues pour en assurer une maîtrise en interne. En parallèle aux plateformes les plus modernes, les DSI doivent encore conserver des infrastructures legacy dont les compétences sont de plus en plus rares. Beaucoup de DSI doivent faire face à cette complexité croissante avec des moyens plus restreints et la mutualisation de moyens de maintenance est clairement la seule solution viable à long terme.
Pour les fournisseurs de cloud public, la solution est de migrer les applications de l’entreprise sur leurs propres infrastructures mais pour un DSI, entreprendre une telle migration reste un projet à la fois long et coûteux et qui peut engendrer de nombreux effets de bord. Outre le replatforming de chaque application, il faut mettre en place une gestion des sauvegardes, gérer des batchs applicatifs, administrer les performances et la sécurité des applications. Contrairement à ce qui a beaucoup été dit, le Cloud n’est absolument pas synonyme de zéro maintenance et exploitation.
De même, le mouvement DevOps vient bousculer les habitudes liées à l’exploitation des ressources informatiques et les responsables d’exploitation doivent pouvoir s’appuyer sur des experts qui vont gérer cette complexité des plateformes tout en gardant le contrôle, notamment via des comités de pilotage réguliers et des tableaux de bord de pilotage surmesure.
Stéphane Hascoët est directeur général de Jiliti.
Source Les Echos : https://www.lesechos.fr/@stephane-hascoet